C’est bien connu: Amiens est désormais un havre de démocratie, exfiltrée avec courage de l’obscurantisme autocratique par une municipalité bienfaitrice. Le maire et son équipe tendent quotidiennement l’oreille aux souhaits de leurs administrés et gèrent, avec eux, une ville dont le mot « concertons » est devenu la nouvelle devise
Ce beau petit scénario a souffert, une nouvelle fois.
Le 28 juin dernier, la mairie décide d’attribuer à la Fédération des commerçants du centre-ville l’occupation du domaine public le 3 octobre. Autrement dit, l’organisation de la réderie d’automne. Seulement voilà : cette manifestation d’ampleur a été créée et assurée avec succès depuis 50 ans par l’Association des commerçants du quartier des Halles (ACQH), et cette dernière n’entend pas se laisser dessaisir aussi facilement d’une telle source de revenus. Direction donc le tribunal administratif qui, le 7 septembre dernier, donne raison à l’ACQH en ces termes : « la décision de la mairie d’Amiens n’a pas été prise dans le but d’une meilleure utilisation du domaine public mais en vue de favoriser la Fédération des Commerçants du centre-ville, ce qui constitue un doute sérieux quant à la légalité de ladite décision. » Du favoritisme, à l’heure de la raison au pouvoir… La Municipalité, humiliée, a donc été contrainte de rétrocéder les droits d’occupation à l’ACQH, qui n’en conservera pas moins une aigreur extrême à son égard, pour assurer la tenue de la manifestation. Le discours officiel de la mairie, qui consistait à opposer l’attitude des méchants commerçants égoïstes des Halles à celle des gentils représentants du bien-être commun, s’est par la suite fait plus discret.
Si la mairie évoque à l’envi les termes de « concertation » ou de « démocratie locale », elle n’en donne opportunément aucune définition. Or, il est toujours plus aisé de débattre au sein d’une assemblée dont on a choisi les membres. Un commerçant de la galerie des Jaccobins explique ainsi son rapprochement avec la Fédération : « je n’étais pas au départ un fanatique de la fédération, mais c’est, de toute façon, la condition sine qua non pour dialoguer avec la Ville qui souhaitait un seul interlocuteur » (Courrier Picard, 4 septembre, l’article ici). La mairie a donc tracé une ligne pour tenter de délimiter ses soutiens et courtisans de ses détracteurs. Conséquence : des tensions de plus en plus vives entre commerçants se font jour, l’épisode de la réderie en étant la plus parfaite illustration.
La fédération des commerçants est née de la propre volonté de la Municipalité, après son accession au pouvoir. Fondée en février 2009, elle est dirigée par Stéphane Conty. Ce dernier avait volé au secours de l’Hôtel de Ville en février dernier, au moment critique de la confrontation entre commerçants et mairie au sujet de la fermeture de la place René Goblet: « contre la polémique et pour le dialogue » répétait-il alors. La polémique, depuis, a fait son nid… A tel point que Stéphane Conty, justement, n’a pas ménagé l’ACQH durant tout le conflit, en l’épinglant notamment sur sa comptabilité, selon le Courrier picard du 10 septembre (l’article ici). Une proximité de vue entre le président de la Féderation et la mairie qui n’a peut-être rien d’un hasard…
Alors que la Ville ne voulait plus voir qu’une seule tête (de préférence celle d’un ami) , la situation n’a jamais été aussi explosive chez les commerçants du centre-ville. Les appels à manifester succèdent aux actions coup de poing provoqués par les décisions municipales.
Même l’innocente et cinquantenaire réderie n’est plus à l’abri des faux pas de l’équipe Demailly, qui devra apprendre un nouveau mot : di-plo-ma-tie.
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