Les historiens et sociologues se pencheront sans doute un jour sur ces écologistes des années 2000-2010, si persuadés que leur cause est juste qu’ils en oublièrent le fondement de la démocratie : l’élection. Comment en effet comprendre une telle propension à annihiler tout espoir de bien figurer lors d’un scrutin, à rendre caduque toute prétention à la représentativité ?
Malgré des élections présidentielles 2007 catastrophiques (1.57% pour Dominique Voynet), le parti écologiste était parvenu à rebondir à l’occasion des européennes de 2009, lors desquelles EELV réalisa un vieux fantasme : devancer le PS. Ses leaders se crurent alors solidement et durablement installés dans le paysage politique français. Il apparaît a posteriori que ce succès spectaculaire ne marquait pas l’émergence tant attendue d’une écologie politique « de masse », mais résultait plus probablement d’un contexte très favorable. Les débats politiques laissaient alors une large place aux questions environnementales et climatiques et la personnalité de Daniel Cohn-Bendit, qui menait la campagne des Verts en 2009, fit office de puissant levier au service d’EELV. Dany le Rouge n’a par la suite plus été écouté par les dirigeants du parti, qui le trouvent sans doute trop remuant, et en est réduit à un rôle de commentateur.
C’est l’une des principales faiblesses des écologistes : ils n’aiment pas les têtes d’affiche. Trop enfermés dans leurs certitudes et dans une course à celui qui sera le plus vert d’entre les Verts, ils en oublient qu’il faut avant tout plaire au peuple par la parole et – aussi – par l’image.
Vade retro Nicolas Hulot !
L’incroyable échec de l’animateur d’Ushaïa en est la parfaite illustration. L’image people de l’ancien candidat à la candidature, ses relations suspectes avec Jean-Louis Borloo, ses déclarations incertaines sur le nucléaires, ses hélicoptères et sa coupe au bol cadraient mal avec les convictions des adhérents d’EELV. Qu’importe s’il pouvait envisager un score à deux chiffres au soir du 22 avril, sa popularité est même apparu contre-productive. Le parti écologiste, qui l’avait lourdement courtisé depuis 2007, a mis sur la touche son meilleur joueur à la veille du match. L’humiliation fut rude pour un homme qui n’avait certainement pas besoin d’EELV pour peser lors de la campagne présidentielle. Quant à Eva Joly, dont l’orthodoxie et l’absence de charisme a satisfait les exigences vertes, elle atteindra peut-être les 3%. De quoi renforcer l’influence du parti…
Parallèlement, et malgré quelques réticences, le Parti communiste a accepté de lier son destin à celui de Jean-Luc Mélenchon, qui n’est pas de ses rangs. Charismatique, l’ancien socialiste s’est donné un rôle qui plaît à gauche de la gauche. Il a déjà fait oublier la performance de Marie-George Buffet en 2007 (1.93%) et pourrait jouer un vrai rôle dans l’optique du second tour.
L’accord PS/EELV reposait sur un rapport de force qui n’existera probablement plus au printemps prochain. Qui peut croire qu’Eva Joly réalisera le score à deux chiffres qu’elle promettait ? Avec 3% des voix ou moins, serait-il légitime qu’EELV dispose d’un groupe à l’Assemblée nationale ? Comment un Front de Gauche pesant potentiellement trois fois plus lourd pourrait-il accepter une moindre représentation ?
Et c’est là que nous en venons à Amiens, où les conséquences du péché d’orgueil d’EELV, combinées au réalisme du Front de Gauche, se dessinent sous nos yeux. La maelström socialiste de la première circonscription semble devoir profiter au maire PCF de Camon, Jean-Claude Renaux, qui peut rêver de l’extrême gauche de l’Hémicycle. Le PS amiénois, qui bordure donc l’insignifiance, acceptera-t-il une configuration législative qui l’exclut totalement ? Il est probable que la confirmation de l’hypothèse Renaux déplacerait l’incertitude vers le Sud.
Barbara Pompili a-t-elle voté Eva Joly face à Nicolas Hulot ? Espérons pour elle que non. Le 10 juin, contrainte de se désister en faveur d’un candidat PS, elle pourra toujours dire qu’elle avait raison depuis le début…
Commentaires récents