Parallèle amusant. Alors qu’un important mouvement social s’exprime dans tout le pays contre la réforme des retraites, un autre combat agite Amiens : celui des commerçants du centre-ville. Si le premier est abondamment relayé et encouragé par la presse municipale, le second est au mieux passé sous silence, au pire ridiculisé. L’un comme l’autre usent pourtant du même argument : le pouvoir n’a fait preuve d’aucune volonté réelle de concertation, il ne s’est prévalu que d’une démocratie de façade avant de mettre en oeuvre son projet. Seule alternative : descendre dans la rue et protester. Gilles Demailly, lui, sait distinguer le bon du méchant : la municipalité fait tout bien alors que le Gouvernement fait tout mal.
Le Conseil municipal programmé le 7 octobre n’a pu avoir lieu suite à l’irruption, en salle du Conseil, de commerçants protestant contre la fermeture à la circulation automobile de la place René Goblet, il y a près d’un an. Il n’est certes pas normal que le débat démocratique puisse être interrompu par un tel mouvement de protestation. Néanmoins, l’accumulation des mouvements de contestation à Amiens met en question la qualité de la concertation dont la municipalité se prévaut. Gilles Demailly et consorts ont beau descendre dans la rue pour afficher leur appartenance politique, ils n’en adoptent pas moins, une fois closes les portes de l’Hôtel de ville, l’attitude qu’ils dénoncent. Et ce qui devait arriver arriva…
Qu’une municipalité entre en conflit avec une partie significative des commerçants qui composent le coeur de la ville est tout simplement aberrant. Dans nombre d’autres villes, ces derniers font tout au contraire l’objet d’un traitement de faveur et sont souvent associés à l’évolution de la cité qu’ils font vivre.
De leur côté, le maire et ses adjoints cèdent à la facilité en collant une étiquette politique – celle de l’UMP – aux commerçants concernés. Manière détournée de prouver que le combat mené contre la mairie n’est que politique. Cette méthode a un nom : la disqualification, bien utile pour fuir une réalité pourtant criante. La réalité, c’est que la Municipalité a improvisé la fermeture de la place René Goblet, empêtrée dans la promesse non tenue d’un nouveau plan de circulation. La réalité, c’est que devant l’échec de cette mesure – critiquée au sein même de la majorité – Gilles Demailly et Thierry Bonté ont bafouillé des ajustements inutiles, rendant fous les GPS des rares touristes qui s’aventurent désormais dans le centre d’Amiens. Pour entrevoir et dénoncer cette réalité, il n’est aucunement nécessaire de se munir d’une quelconque étiquette politique.
Le Conseil municipal, reprogrammé vendredi dernier, s’est finalement déroulé quasi-normalement. Des commerçants avaient une nouvelle fois fait le déplacement et ont assisté à une partie des débats. Certains d’entre eux ont même reçu la visite, dès le lendemain, d’un adjoint au maire remonté. Pour tenter d’apaiser le climat plus que tendu qui prévaut depuis plusieurs mois entre eux et la mairie ? Bien sûr que non. L’adjoint, dont on ne sait plus s’il est l’élu d’un village ou d’une capitale régionale, a préféré se montrer menaçant, conseillant aux intéressés de ne plus mettre les pieds au Conseil.
La démocratie occupe désormais une place de choix à Amiens : revendiquée dans les manifestations, bafouée dans l’exercice du pouvoir…
Photo d’archive empruntée au Courrier Picard
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