Il n’est plus un jour sans que l’on nous vante les mérites de la démocratie. Comme si nous doutions de ses bienfaits. Certes, elle n’est jamais acquise, nous en avons parlé lors des dernières élections cantonales, mais s’en réclamer à tort et à travers selon ses intérêts ne constitue pas la meilleure manière de la défendre.
« Exercer des responsabilités municipales n’implique pas de penser à la place des concitoyens« , nous explique tranquillement la municipalité page 6 de son bilan (véridique). Effectivement, si nos élus veulent donner à la ville l’apparence d’une démocratie athénienne, il n’en demeure pas moins que l’Agora amiénoise est désertée. Les bonnes volontés, autrefois multiples, ont été réduites au silence au profit de loteries bien peu démocratiques.
Les comités de quartier ont notamment été sacrifiés. Ils regroupent pourtant des personnes volontaires, motivées, intégrées et reconnues dans leurs quartiers. Ils ont le tort, cependant, d’avoir été créés par Gilles de Robien en 1989. A la place, la municipalité a lancé quatre conseils d’habitants, regroupant chacun 28 personnes tirées au sort. Dotés d’un budget spécifique, ces conseils ont connu des débuts plus que laborieux, que l’adjoint en charge a été forcé de reconnaître dans la presse. Comment faire vivre ces conseils et les rendre utiles quand les personnes concernées n’ont rien demandé, quand elles ne s’intéressent pas forcément à leur lieu de vie, quand elles refusent parfois le principe de ces conseils? Il a donc été bien difficile de constituer ces assemblées de 28 personnes et impossible d’en retenir l’intégralité des membres…
Ces conseils « émettent des avis sur les questions qui engagent l’avenir de la ville« . Exemple donné par Etienne Dejonquères lors du dernier conseil municipal : les conseils Ouest et Sud ont visité trois écoquartiers aux Pays-Bas et proposent, entre autres, « une campagne de sensibilisation sur l’eau et son traitement » (je croyais que polluer, c’était bien) et « d’augmenter le nombre de poubelles enterrées à Amiens » (les élus ne sont donc pas capables d’avoir cette idée).
Que ces avis soient ou non pertinents est finalement accessoire. Sous couvert de démocratie, on renonce aux principes de notre démocratie représentative, puisqu’on entrouvre les portes de la décision à des personnes qui n’ont pour seul mérite que d’avoir été tirées au sort. Le concept a même été étendu aux séniors, qui disposent eux aussi d’un conseil spécifique. Chaque Amiénois, selon son âge, son lieu de vie ou encore son sexe devra-t-il bientôt se sentir représenté auprès d’élus qui, eux-mêmes, sont sensés représenter l’ensemble indistinct des habitants? La démocratie »participative » se mord la queue…
« Les Amiénois ont de l’ambition pour leur ville« , proclame le bilan page 15. En y impliquant les habitants dans la poursuite des aménagements du quartier Paul-Claudel, les débats auraient par exemple abouti « à des choix cohérents et compris par tous« . La preuve: des associations (lesquelles?) voulaient « des rues sans voitures » (?), alors que des riverains, bizarrement, en avaient besoin pour aller travailler. Fichtre! La démocratie est passée par là et le nouveau projet « rompt avec la première réalisation par une bien plus grande convivialité et une vie ensemble plus intelligemment conçue« . Joliment dit mais où est le concret? Peut-on accepter que, sous prétexte de démocratie, dix habitants aient le pouvoir de décider pour des centaines qui ont peut-être autre chose à faire que de courir les réunions et pensaient bêtement que les élus étaient là pour ça?
Un maire qui prend une décision en connaissance de cause et avec le souci du bien commun n’est pas forcément un autocrate s’il fait quelques mécontents. Un autre qui attend, tergiverse et nous sert finalement la démocratie à tous les plats pour tenter de ne froisser personne, celui-là n’est pas forcément le plus apte à la décision.
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